Les anciens colonisés encombrants
Geneviève Afoua-Geay
Avocate
(Entretien mené par Jean- François Martini)
Avocate
(Entretien mené par Jean- François Martini)
Au moment de l'accession à l'indépendance des pays qui appartenaient à l'ancien empire colonial français, les questions de nationalité des anciens Français de ces territoires ont été réglées au gré des intérêts politiques et économiques de la France. Aujourd'hui, la France veut se débarrasser de son passé colonial, mais aussi de ceux que la colonisation a liés à elle. Administration comme tribunaux multiplient alors les obstacles au maintien ou à la réintégration dans la nationalité française de personnes qui ont parfois vécu et travaillé en France leur vie durant.
On sait que le processus de décolonisation a donné lieu à des règles particulières en matière de nationalité. Il existe néanmoins un certain nombre de principes récurrents. Pouvez-vous nous les exposer ?Le processus de décolonisation a effectivement donné lieu à des règles spécifiques et diverses en matière de nationalité parce que la colonisation était ellemême diversifiée. Ainsi, certains pays sur lesquels la France assurait seulement la représentation au niveau international ont recouvré leur souveraineté et certaines dispositions spéciales que la France y avait instaurées ont cessé de produire effet du jour où les droits particuliers de la puissance coloniale ont cessé de s'exercer. Ce fut le cas de la Tunisie et du Maroc, pays sous protectorat de la France, ainsi que du Togo et du Cameroun, territoires administrés par la France en vertu d'un mandat international. En Tunisie et au Maroc, par exemple, il a toujours existé une nationalité tunisienne et une nationalité marocaine à côté de la nationalité française. Pour ces pays, l'existence de dispositions particulières, au moment de la décolonisation, pouvait relever du droit conventionnel (ce fut le cas de la Tunisie avec la Convention du 3 juin 1955). Pour le Maroc, l'indépendance n'a été précédée d'aucune convention avec la France sur la nationalité. Pour les établissements français de l'Inde, la décolonisation a donné lieu à la cession de ces établissements à l'Inde, État déjà constitué avec lequel ont été conclus des traités.
L'accession à l'indépendance a constitué l'une des modalités de la décolonisation. Ce processus s'est appliqué essentiellement aux TOM d'Afrique noire [1], à Madagascar, à l'Algérie et à l'Indochine. Exception faite de la convention conclue avec le Viêt Nam [2], qui a été élaborée sur la base du critère ethnique, l'accession à l'indépendance de ces anciens territoires français n'a pas été accompagnée de conventions internationales sur les problèmes de nationalité, pourtant nombreux, qu'elle suscitait. Cela peut s'expliquer par les circonstances politiques et sociales troublées dans lesquelles ces États ont accédé à l'indépendance mais aussi par une volonté de la France de faire perdurer sa suprématie en continuant à désigner ses nationaux, y compris au sein de ces États devenus indépendants.
Faute de convention, le législateur français opta pour une solution unilatérale en matière de conservation ou de perte de la nationalité française, fondée notamment sur des critères d'origine, de statut et/ou de domicile. Dans la loi du 28 juillet 1960 pour les anciens TOM d'Afrique et Madagascar comme dans l'ordonnance du 21 juillet 1962 pour l'Algérie, ont été distinguées les personnes auxquelles la nationalité française devait être maintenue de plein droit de celles dont la nationalité française ne pouvait être établie que par une procédure particulière, appelée procédure de reconnaissance de la nationalité française, conditionnée notamment par le transfert du domicile en France.
La procédure de reconnaissance de la nationalité française était limitée dans le temps puisqu'il s'agissait de permettre aux personnes qui voulaient conserver la nationalité française de se faire confirmer cette nationalité. L'absence d'option pour la reconnaissance de la nationalité française dans le délai imparti par la loi était interprétée comme un refus de la nationalité française. La loi du 20 décembre 1966 pour l'Algérie et celle du 9 janvier 1973 pour l'Afrique noire et Madagascar ont mis fin à la procédure de reconnaissance. Toutefois, celle du 9 janvier 1973 a prévu, pour les ressortissants des anciens TOM, une procédure de réintégration spéciale dans la nationalité française, finalement abrogée par la loi du 22 juillet 1993 dite loi Méhaignerie.
Concernant les ressortissants des anciens TOM d'Afrique noire, comment ont été réglées les questions relatives à la perte ou au maintien de la nationalité française ?
Pour les ressortissants des anciens TOM, c'est la loi du 28 juillet 1960 qui, en retenant le critère de l'origine ethnique, a distingué entre les originaires et les non-originaires du territoire de la République française tel qu'il était alors constitué (c'est-à-dire le territoire national « amputé » des territoires devenus indépendants). Ont ainsi bénéficié de plein droit du maintien de la nationalité française, sans formalité particulière, deux catégories de personnes : d'une part, les Français originaires du territoire de la République française tel qu'il était constitué à la date du 28 juillet 1960, et qui étaient domiciliés au jour de son accession à l'indépendance sur le territoire d'un État qui avait eu antérieurement le statut de territoire d'outre-mer de la République française ; d'autre part, leurs conjoints, veufs ou veuves et descendants.
Les « non originaires » du territoire de la République française ont été astreints à la procédure de reconnaissance de la nationalité française, sauf deux catégories de « non originaires », qui ont bénéficié du maintien de plein droit de leur nationalité française : ceux qui étaient domiciliés, à la date de l'indépendance, sur le territoire d'un État antérieurement territoire d'outre mer et à qui aucune autre nationalité n'était conférée par la loi de cet État, ainsi que ceux qui, à la date de l'accession à l'indépendance des anciens territoires d'outre mer, n'étaient pas domiciliés dans un de ces territoires.
(...)
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http://www.gisti.org/spip.php?article1389
Cet article est extrait du n° 79 de la revue Plein droit (décembre 2008),
« Français : appellation contrôlée »
http://www.gisti.org/spip.php?article1321
Vous pouvez trouver ce numéro de Plein Droit dans les librairies au prix de 9 € (ISSN 0987-3260 / décembre 2008)... le commander directement au Gisti (moyennant un supplément de 1,7 € pour les frais d'envoi) : http://www.gisti.org/spip.php?article59 .... ou vous abonner à la revue (4 numéros par an) : http://www.gisti.org/spip.php?article60
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