vendredi 27 février 2009

[Gisti-info] « Les naturalisés, des Français discutables » - Article extrait du Plein Droit n° 79

Les naturalisés, des Français discutables

François Masure
Anthropologue – IRIS (Institut de recherche interdisciplinaire sur les enjeux sociaux – Sciences sociales, Politique, Santé)


Une fois les nombreux obstacles surmontés et la nationalité française acquise, quel est le vécu de ces Français « par acquisition » ? Une recherche menée auprès de naturalisés montre que devenir français, ça n’est pas l’être depuis toujours : si le « naturel » n’a pas besoin de penser sa nationalité, le « naturalisé » est sans cesse contraint d’apporter des justifications à sa nouvelle condition.


Les obstacles à l’acquisition de la nationalité française sont nombreux, et les réformes récentes du droit de la nationalité ont été largement inspirées par le souci de restreindre un peu plus encore les voies de cette acquisition. Ce n’est pourtant pas cette question qui va nous intéresser ici, mais son prolongement : ce qui se passe après, une fois les obstacles surmontés et la nationalité française acquise [1].

La naturalisation – entendue ici non dans son strict sens juridique d’acquisition par décret, mais comme toute acquisition volontaire par un étranger de la natio- nalité française – est un acte d’institution qui prétend assurer la justesse et la justice dans la manière de « produire » des nouveaux Français. Idéalement, elle résulte d’une opération de tri entre les étrangers « naturalisables » et ceux qui ne le sont pas, tri dont les conditions sont fixées par la loi et dont une frange des agents administratifs est chargée de l’application.

Dans cette perspective, le changement de statut juridique marque la rupture avec l’ancienne condition d’étranger et sanctionne une volonté « exemplaire » d’intégration. Cette manière de dire la naturalisation, au coeur de la justification d’État – puisque c’est lui, en définitive, qui décide qui sera naturalisé et qui ne le sera pas – relève presque du « sens commun ». Elle s’impose à tous les discours à son sujet : nul doute qu’il y aurait les plus grandes difficultés à défendre l’idée que tous les étrangers, sans distinction, devraient pouvoir devenir français. Il s’agit pourtant ici d’aborder autrement la question de l’acquisition de la nationalité française et de faire rupture, autant que possible, avec cette vision d’État et sa définition normative de la naturalisation, en s’intéressant à l’expérience qu’en ont ceux qui s’y soumettent, et plus spécifiquement encore à l’expérience de la condition de Français « par acquisition ».

Il y a quelques années, Patrick Weil publiait Qu’est-ce qu’un Français ? [2] L’ouvrage fit un peu polémique pour la thèse qu’il défendait : est français celui qui l’est en droit. Cette réponse avait le double mérite d’une part, d’éviter l’éternelle discussion sur les attributs supposément authentiques de l’« identité nationale » et, d’autre part, de rappeler un fait : c’est l’État qui, par l’intermédiaire du droit, détermine qui est français, et seuls ceux à qui cette qualité est reconnue peuvent s’en prévaloir, absolument, sans la moindre restriction.

Mais c’est paradoxalement ce rappel, pourtant indiscutable, qui suscita la polémique. En réduisant la question seulement à son aspect juridique, et sa réponse à une histoire du droit de la nationalité, cette thèse laissait échapper une dimension essentielle du problème : le droit suffit-il à faire un Français ? C’est le sens des attaques dont Patrick Weil a fait l’objet dans le cadre des polémiques autour de la création d’un ministère de l’identité nationale après l’élection de Nicolas Sarkozy [3]. Et c’est précisément cette question, ramenée régulièrement au coeur de l’espace public, qui pose problème aux naturalisés – et pas seulement à eux. S’ils hésitent à se prévaloir d’une qualité que leur a reconnue l’État, seule instance apparemment légitime pour en décider, c’est aussi parce qu’il existe un espace où cette qualité peut leur être contestée.

(...)

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http://www.gisti.org/spip.php?article1392


Cet article est extrait du n° 79 de la revue Plein droit  (décembre 2008),
  « Français : appellation contrôlée »

http://www.gisti.org/spip.php?article1321


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