D'un modèle (de famille) l'autre
Université de Paris 13 – Iris, Gisti / Université de Paris-Ouest Nanterre-La Défense, Gisti
Lorsque l'on pense aujourd'hui à la famille, une vision élargie s'impose d'emblée : familles constituées dans et hors du mariage ; familles recomposées avec des enfants venant d'autres unions. Cependant, le droit ne tient compte que pour partie de ces réalités sociales ; le projet de loi ouvrant le mariage aux couples de même sexe, qui sera bientôt discuté au Parlement, est révélateur de ce qu'il reste encore à construire pour atteindre l'égalité. Il s'agit là d'une étape de plus. D'autres réformes, en particulier sur la parentalité, suivront. Si le droit français de la famille trace sa route vers l'égalité, fût-ce de façon laborieuse, le sort réservé par la loi aux familles étrangères est tout autre : pour elles, souvent, point d'union autre que le mariage, point d'enfants autres que ceux issus de cette institution et ayant un lien de filiation avec le père et la mère concernés par le regroupement familial, sans oublier les suspicions pesant sur les filiations et sur l'authenticité des consentements pour former les unions (voir les attaques sur les mariages blancs ou gris). On a ainsi à voir deux dispositifs juridiques aux évolutions diamétralement opposées, l'un qui tente d'épouser les nouveaux visages de la famille, l'autre, relevant du droit des étrangers, qui est directement dicté par les préoccupations migratoires. Il s'agit alors de limiter le plus possible le nombre de personnes pouvant se prévaloir du droit de vivre ensemble en France, et de repousser au plus loin le moment de leur délivrer un titre de séjour.
Marche vers l'égalité
Revenons quelques instants sur l'évolution du droit français de la famille pour mieux mesurer l'écart creusé au nom de cette politique d'immigration que l'on entend mener et afficher. L'égalité, on l'a vu, constitue l'un des pôles en direction desquels tendent les règles du droit français de la famille depuis les réformes des années soixante-dix : la loi de 1970 sur l'autorité parentale qui met un terme à la puissance paternelle, celle de 1972 sur la filiation consacrant l'égalité entre les enfants légitimes et les enfants naturels, ou encore la loi de 1975 sur le divorce, pour ne citer que les premières. Ainsi ces réformes suivent-elles une évolution linéaire que l'on peut résumer en peu de mots : égalité entre les parents détenteurs de l'autorité parentale ; suppression progressive des inégalités frappant les épouses ; évolution jusqu'à l'égalité entre les filiations hors mariage ou dans le mariage.
Pour illustrer ce dernier exemple, l'effacement progressif des distinctions entre filiation « légitime » et filiation « naturelle » passe par l'inscription dans le code civil, après l'adoption de la loi du 3 janvier 1972, que « l'enfant naturel a en général les mêmes droits et les mêmes devoirs que l'enfant légitime dans ses rapports avec ses père et mère. Il entre dans la famille de son auteur ». Il restait cependant des exceptions. Ainsi, l'établissement du lien de parenté hors mariage n'est-il libéralisé que dans la loi de 1993. Il faut attendre le 21e siècle pour que les droits de succession des enfants dits « adultérins » ne soient plus diminués, lorsque l'enfant naturel entre en conflit avec les héritiers légitimes ou l'épouse. La Cour européenne des droits de l'Homme intervient, dès 1979, dans une affaire portée contre la Belgique sur l'interprétation du droit au respect de la vie familiale (article 8 de la Convention européenne des droits de l'Homme) combiné à l'interdiction de toute discrimination fondée sur la naissance (article 14). Il en découle une obligation, pour les États, de prévoir des dispositifs assurant l'égalité entre les filiations légitime et naturelle. À la suite d'une condamnation de la France par la Cour en 2000, une loi est adoptée en 2001 qui supprime les dispositions du code civil limitant les droits des enfants adultérins et les références rédactionnelles distinguant les enfants « naturels » des enfants « légitimes ». En 2005, les catégories mêmes sont supprimées par ordonnance. Toute distinction entre filiation légitime et filiation naturelle est abolie ; les termes sont bannis du code civil français. Cette dernière réforme met également en place des règles procédurales garantissant une stabilité de la filiation.
Toutes ces modifications ont permis de stabiliser les liens familiaux, en même temps qu'elles conféraient aux enfants les mêmes droits. Parallèlement, les droits de chaque membre de la famille doivent être respectés, avec une attention accrue portée à l'intérêt de l'enfant. Ces droits attachés à la personne en tant que telle sont supposés individualiser chaque membre de la famille et accorder une place à la volonté ou à la liberté de chacun. En témoigne, par exemple, le divorce par consentement mutuel.
Mais lorsqu'on parle de familles migrantes, l'égalité, la stabilité, la liberté sont écartées. Toutes les relations familiales sont entachées de suspicion.
(...)
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http://www.gisti.org/spip.php?article2974
Extrait du Plein droit n° 95 (décembre 2012)
« Des familles indésirables »
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