mercredi 3 janvier 2018

[Gisti-info] « Villes-refuge, villes rebelles et néo-municipalisme », un article du Plein Droit 115

Article extrait du Plein droit n° 115

Villes-refuge, villes rebelles et néo-municipalisme

Filippo Furri
Université de Montréal, Migreurop


En septembre 2015, les maires de Barcelone, Paris, Lesbos et Lampedusa lançaient un appel pour la constitution d'un réseau de villes-refuge garantissant au niveau local ou municipal des conditions d'accueil décentes pour les exilés, migrants et demandeurs d'asile cherchant refuge en Europe. Dans un contexte de durcissement progressif du contrôle des frontières européennes et des conditions d'accès à la protection internationale dans les États membres, cet appel faisait écho au réseau de villes-refuge créé en 1995 à l'initiative du Parlement international des écrivains, dans des conditions politiques et historiques néanmoins différentes et avec une finalité distincte [1].

La notion de ville-refuge refait surface au moment où celles de solidarité et d'hospitalité sont remises en question. Elle permet de débattre, d'une part, de la nécessité de repenser au niveau local les pratiques d'accueil des exilés et leur accès au territoire indépendamment des injonctions gestionnaires et sécuritaires ; d'autre part, de la reconfiguration des tendances néo-municipalistes en Europe, revendiquant davantage d'autonomie pour les municipalités, sur des questions sociales, mais aussi environnementales, économiques et politiques.

Le 18 octobre 2016, à la suite de l'initiative d'Ada Colau, maire de Barcelone, le groupe de la Gauche unitaire européenne/Gauche verte nordique (GUE/NGL) organise au Parlement européen une journée consacrée aux villes solidaires, les Solidacities, Les représentants de nombreuses villes européennes y confrontent leurs idées et pratiques sur le thème de l'accueil des exilés. Des métropoles aux petits villages, de multiples déclinaisons de la notion de ville-refuge sont alors énoncées. Il ne s'agit pas de dresser ici une typologie des villes-refuge, mais plutôt, considérant la diversité de leurs formes comme une condition essentielle à leur prolifération et à leur adaptation aux conditions historiques, géographiques et politiques du territoire, de chercher, à partir de quelques exemples contemporains, à saisir des constantes, des ressemblances et des différences, notamment en ce qui concerne le positionnement des villes, des populations et des autorités municipales.

La constellation des villes-refuge

Si l'on essaie de répertorier les différentes occurrences dans l'espace public d'une notion qui, ces dernières années, renvoie à une dimension solidaire (ville-refuge, ville d'asile, sanctuary city), on peut considérer que la ville-refuge se caractérise par la capacité, la volonté ou la possibilité pour une collectivité locale (ville ou village) d'accueillir et d'incarner cet accueil (temporaire ou de longue durée) de l'« autre », quel qu'en soit le nombre, dans son espace public. La « démarche » solidaire peut s'activer de façon « volontaire » ou plutôt en réaction à la présence de cette altérité.

Si dans certains espaces de transit ou de frontière comme Lampedusa, Riace, Vintimille, Calais, Lesbos ou Paris, la collectivité et l'administration doivent se confronter à une présence migrante concrète, pour d'autres, comme Valence ou Barcelone, l'engagement comme ville solidaire découle plus d'une volonté politique. Le spectre de la ville-refuge se déploierait donc d'un « degré zéro » – soit une communauté d'exilés se « réfugiant » dans un contexte urbain en habitant ses plis, ses marges, avec le soutien de la société civile et face à une administration ouvertement hostile (Calais) – à une situation dans laquelle une administration créerait les conditions pour devenir refuge, en éditant des mesures spécifiques (Barcelone, Valence).

Entre les deux, des configurations spécifiques – position géographique, contingence historique, situation économique, sensibilité des citoyens et des administrations, capacité et volonté de s'organiser au nom de la solidarité – engendrent encore d'autres situations. Elles témoignent également des conceptions diverses de la notion de solidarité, qui vont d'une démarche principalement humanitaire et, donc, tendant à l'assistance, à la gestion de la vie des personnes accueillies, jusqu'à des formes de réciprocité et de cohabitation qui soutiennent les projets des exilés et leur donnent des marges d'autonomie et d'action.

>>> La suite de l'article


Extrait du Plein droit n° 115
« Villes et hospitalités »

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