vendredi 28 novembre 2008

[Gisti-info] « Saisonniers californiens : la précarité en crise » - Article extrait du Plein Droit n° 78

Saisonniers californiens : la précarité en crise

Sébastien Chauvin
Sociologue, Institute for Migration and Ethnic Studies (IMES) – Université d’Amsterdam

Pourquoi le secteur agricole américain est-il en crise ? Comment la Californie, premier État agricole, où un système d’emploi et d’immigration a reposé sur une utilisation massive d’étrangers illégaux en est-il arrivé à connaître une telle pénurie de main-d’oeuvre ? En vérité, ce n’est ni le mur en construction à la frontière ni la répression du travail illégal qui sont directement en cause. Mais les travailleurs désormais là pour rester s’en vont plus rapidement vers des secteurs offrant de meilleures conditions de travail.

On ne compte plus, ces derniers mois, dans la presse libérale étatsunienne éditoriaux et reportages alarmés déplorant les effets de la nouvelle vague de répression de l’immigration irrégulière sur les secteurs économiques qui, jusqu’ici, y avaient eu massivement recours, notamment les activités riches en emplois déqualifiés. Les employeurs qui, depuis vingt ans, s’étaient plutôt accommodés d’un régime d’illégalité fournissant nationalement près de 5 % de leur main-d’oeuvre, craignent en effet aujourd’hui de voir tarir cette source majeure de « salariat bridé [1] » – quitte désormais à en demander la régularisation collective. Parmi les activités en « besoin » de maind’oeuvre non qualifiée, l’agriculture est sans doute celle qui suscite les anticipations les plus apocalyptiques. En Californie, premier État agricole du pays, des estimations avancent le taux de 70 % d’étrangers non autorisés dans la main-d’oeuvre totale de ce secteur dont le chiffre d’affaire annuel (près de 32 milliards de dollars) talonne celui de l’industrie cinématographique.

À longueur de reportages, posant devant leurs vignes « en passe de pourrir sur place », leurs pommiers coupés ou leurs agrumes non cueillis, des fermiers blancs témoignent ainsi de leurs nouvelles difficultés à trouver une main-d’oeuvre à même de réaliser des tâches ingrates pour des salaires horaires très faibles. Pourtant, dans les années 1980 et 1990, l’agriculture étatsunienne semblait définitivement protégée de telles pénuries. Comment alors un système d’emploi et d’immigration censé produire du surplus chronique dans les zones inférieures du marché du travail agricole en est-il arrivé là ? Est-ce simplement que les travailleurs saisonniers sont désormais bloqués à la frontière par le nouveau mur que construit l’administration Bush puis découragés de travailler par la multiplication des descentes des services de l’Immigration and Custom Enforcement (I.C.E.) sur les lieux de travail ? Ou n’est-ce pas plutôt que le renforcement de la répression à la frontière comme à l’intérieur a contribué à saper l’« intérêt » des nouveaux immigrants pour des emplois discontinus, rudes et mal payés ? Il semble bien en vérité que si pénurie il y a, ce n’est pas que les travailleurs n’arrivent plus, mais que, désormais là pour rester, ils s’en vont plus rapidement pour des secteurs offrant de meilleures conditions de travail et des pers- pectives de carrière plus nombreuses, y compris en l’absence de papiers. Un détour par l’histoire du régime de précarité agricole mis en place dans les dernières décennies permettra de mieux comprendre la crise que ce dernier rencontre aujourd’hui.

(...)

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http://www.gisti.org/spip.php?article1293


Cet article est extrait du n° 78 de la revue Plein droit  (octobre 2008),
 
« Saisonniers en servage »
http://www.gisti.org/spip.php?article1237


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