lundi 18 octobre 2010

[Gisti-info] « Discriminations : quel impact sur la santé ? » - Article extrait du Plein Droit n° 86

Discriminations : quel impact sur la santé ?

Dossier coordonné par Véronique Baudet-Caille & Patrick Mony
Juriste ; ancien salarié du Gisti, président de l'association des familles victimes du saturnisme


Les inégalités sociales face à la santé ont fait l'objet de nombreuses études ayant établi le lien existant entre l'appartenance à un milieu social et l'état de santé d'une personne [1]. Ainsi, l'enquête 2006 « Santé protection sociale » de l'Institut de recherche et de documentation en économie de la santé (IRDES) a-t-elle montré une nouvelle fois que « ce sont les ménages dont les revenus sont les plus faibles (chômeurs, ouvriers, employés du commerce…) qui déclarent à la fois le plus mauvais état de santé, les taux de couverture complémentaire santé les plus bas et le plus de renoncements aux soins ».

Pourquoi consacrer un dossier de Plein droit à la question des répercussions des discriminations sur la santé ? L'idée est partie du constat suivant : les personnes en situation de précarité, en raison de leurs conditions de vie et de travail, sont particulièrement vulnérables et leurs difficultés d'accès aux soins bien réelles. Parmi ces populations précaires, les étrangers, parce qu'ils cumulent certains « facteurs à risque » (difficultés d'accès au logement, conditions de travail, précarité administrative), sont en première ligne en matière d'inégalité. Depuis 2000, Médecins du monde (MDM) a mis en place un observatoire de l'accès aux soins, afin de témoigner des difficultés que connaissent les personnes en situation de précarité. 11 % des patients reçus dans leurs centres d'accueil sont Français et 89 % étrangers. 98 % vivent en-dessous du seuil de pauvreté, même lorsqu'ils exercent une activité professionnelle. L'association le souligne d'emblée dans son rapport 2009, ces personnes, quelle que soit leur nationalité, « rencontrent de grandes difficultés sociales qui ont un impact sur leur état de santé et leur accès aux droits ». Plusieurs facteurs apparaissent particulièrement aggravants : les difficultés d'accès au logement, l'environnement social et les conditions de travail, le statut administratif ou plutôt la précarité administrative.

Les conséquences du mal-logement sur la santé des personnes sont clairement mises en évidence par la Fondation Abbé Pierre pour le logement des défavorisés (FAP – Rapport annuel 2010) et corroborées par MDM. Lorsque les personnes sont mal logées ou sans logement, ce sont les possibilités mêmes d'accès aux soins qui se trouvent mises à mal (suivi des traitements, conservation des médicaments, accès à une alimentation équilibrée). Le problème est particulièrement inquiétant pour les enfants, les principaux effets du mal-logement étant le saturnisme lié à la présence de plomb [2], les pathologies respiratoires, les infections dermatologiques dues à des problèmes de ventilation et de chauffage ou une hygiène précaire, ou encore les accidents domestiques provoqués en particulier par la vétusté des installations électriques. La situation est tout aussi préoccupante s'agissant des mineurs sans domicile fixe. Les conditions de vie dans la rue mettent en péril la santé des enfants. La FAP témoigne en particulier des nombreux cas de maladies respiratoires, de maladies de peau, et des conséquences psychologiques « avec des lacunes ou des retards dans le développement socio-cognitif du fait de l'absence de repères et de lieux d'attache ». Vivre dans un logement surpeuplé, ce qui est le cas de 70 % des patients reçus par MDM, entraîne une dégradation des conditions de vie de chaque personne (intimité, manque de place, stress…) et des conséquences sur la santé.

Un autre facteur ayant un impact sur la santé est celui des conditions de travail. Annie Thébaud-Mony souligne l'« inégale répartition des risques professionnels selon la place occupée dans la division sociale du travail » [3]. Le lien de causalité entre les conditions de travail, en particulier les situations de pénibilité, et l'état de santé est clairement établi pour certaines pathologies dues à l'exposition à des produits toxiques ou à des risques physiques (posture pénible, port de charges lourdes, horaires atypiques, exposition à des éléments cancérigènes …). En revanche, constate Annie Thébaud-Mony, aucune étude ne permet de faire un lien entre les cancers contractés par les immigrés et leur travail. Le lien de causalité entre l'exposition à un élément cancérigène et la maladie contractée souvent des années après l'exposition est difficile à établir. Monter un dossier de reconnaissance de maladie professionnelle est un long parcours semé d'embûches, une procédure complexe, d'où l'importance d'être soutenu par une association.

La précarité administrative accentue les difficultés d'accès aux soins. Les disparités liées à la nationalité sont bien réelles. Le durcissement de la législation et les aléas dans les conditions de régularité de séjour ont aggravé les discriminations dont les étrangers font l'objet. Toutes les réformes mises en oeuvre depuis 30 ans, en liant accès aux prestations et régularité de séjour, ont fragilisé leurs conditions d'accès aux soins [4].

(...)

> La suite de l'article est à l'adresse
http://www.gisti.org/spip.php?article2092


Cet article est extrait du n° 86 de la revue Plein droit  (octobre 2010),
 
« Santé des étrangers : l'autre double peine »
http://www.gisti.org/spip.php?article2072


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sommaire du Plein droit 86

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