Israël, l'infernale « terre promise »
Géographe et volontaire pour Migreurop et Échanges et Partenariats
Si l'immigration a joué un rôle fondamental dans la construction d'Israël [1], l'immigration non juive est un phénomène récent qui n'a véritablement vu le jour qu'au début des années 1990. Au moment de l'effondrement de l'URSS, beaucoup de Juifs d'Europe de l'Est vinrent s'installer en Israël, accompagnés pour un nombre important d'entre eux de leurs conjoints non juifs. Mais ce n'est qu'après le bouclage des Territoires palestiniens occupés par le gouvernement israélien en mars 1993, que le nombre de migrants non juifs va véritablement augmenter. À partir de cette date, les Palestiniens désireux de travailler en Israël doivent obtenir un permis de circulation et de travail délivré par les autorités de l'État hébreu. Entre 1989 et 1996, le nombre de permis délivrés aux Palestiniens de Cisjordanie et de la bande de Gaza est divisé par dix alors que le nombre de permis délivrés aux travailleurs non palestiniens est multiplié par trente [2]. Pour remplacer une main-d'œuvre essentielle à l'économie du pays, Israël va, pour la première fois de son histoire, faire appel à une immigration de travail. Les premiers travailleurs migrants arrivent à partir du milieu des années 1990 en provenance de l'est de l'Europe (Roumanie, Bulgarie, Turquie), d'Amérique latine (Colombie, Pérou) et d'Asie (Chine, Thaïlande, Philippines). Ils vont constituer jusqu'à 10 % de la force de travail nationale au début des années 2000 [3]. Israël instaure alors un système similaire à celui de la kafala [4] qui lie le travailleur étranger à son employeur, grâce auquel il a obtenu un visa de travail. À l'instar de ce que l'on peut observer au Liban ou en Jordanie, ce système a débouché sur une multiplication des abus de la part d'employeurs qui n'hésitent pas à confisquer les papiers d'identité de leurs employés, tout en les faisant travailler dans des conditions proches de l'esclavage. Pour mettre fin à ces conditions de vie déplorables, des travailleurs font le choix de quitter leur patron. S'ils se placent ainsi en situation irrégulière, ils sont néanmoins autorisés à résider dans le pays pour exercer un travail non déclaré, plus avantageux sur le plan économique et des conditions de vie [5]. Lorsque ces travailleurs migrants restent chez leurs employeurs, une fois leur contrat de travail terminé, leur visa prend automatiquement fin. Ils sont alors priés de quitter le territoire afin de laisser leur place à de nouveaux arrivants. Nombre d'entre eux restent toutefois en Israël et trouvent un emploi non déclaré. Au cours de la même période, beaucoup d'Africains originaires d'Afrique de l'Ouest ou du Congo sont arrivés avec des visas de tourisme, en pèlerinage ou pour un emploi dans des kibboutz, et sont restés à l'issue de leur visa pour travailler illégalement [6].
Face à l'augmentation du nombre de travailleurs « clandestins », à partir de 2002, les autorités israéliennes ont décidé de suivre une politique d'expulsion sous la houlette du ministère de l'immigration et de l'intégration. Dès cette année-là, ce sont près de 6 000 étrangers qui ont dû quitter le territoire, de gré ou de force [7]. Depuis lors, les patrouilles de la police de l'immigration – rebaptisées par la suite Oz Unit (Unité du courage) dans le but de faire oublier leur mauvaise réputation – sillonnent les rues des grandes villes du pays en quête de sans-papiers, multipliant les contrôles au faciès et les arrestations musclées. Cette politique d'expulsions massives rend compte de la volonté des autorités israéliennes de lutter contre l'installation de populations non juives.
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Extrait du Plein droit n° 95 (décembre 2012)
« Des familles indésirables »
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