vendredi 14 novembre 2014

[Gisti-info] Séjour des étrangers : « Précarisation, la preuve par les chiffres » - Un article du Plein Droit 102

Article extrait du Plein droit n° 102

« Précarisation : la preuve par les chiffres »

Antoine Math et Alexis Spire
Chercheur à l'Institut de recherches économiques et sociales (IRES) / Directeur de recherche au CNRS

Depuis 30 ans, l'immigration est au cœur du débat public sans que l'on ne pose vraiment la question de la stabilité du séjour des étrangers qui vivent sur le territoire en situation régulière. Si on parle beaucoup des mesures législatives visant à restreindre les flux migratoires, on passe généralement sous silence la sape progressive du dispositif mis en place en 1984 créant une carte de résident de dix ans, délivrée de plein droit, avec pour objectif de favoriser l'intégration. L'esprit de la loi de 1984 est bien tari.


La loi du 17 juillet 1984 marque un tournant dans l'histoire de la politique française d'immigration. Alors que l'autorisation de séjourner en France était jusque-là conditionnée à la possession d'un emploi, ce texte, adopté alors à l'unanimité des députés, instaure un droit au séjour fondé sur les liens personnels et familiaux. Aux trois types de cartes de séjour et quatre autorisations de travail existant alors se substitue un nouveau régime répartissant les étrangers en deux catégories. D'un côté, ceux dont l'installation est considérée comme durable sont désormais mis en possession d'une carte de séjour valable dix ans, renouvelable automatiquement et leur permettant d'exercer sur tout le territoire métropolitain la profession de leur choix. De l'autre, ceux dont le séjour est considéré comme temporaire (étudiants, visiteurs, demandeurs d'asile et travailleurs ayant un contrat à durée limitée) se voient octroyer une carte de séjour temporaire valable au plus un an et devant s'accompagner le cas échéant d'une autorisation de travail. Trente ans plus tard, que reste-t-il de ce bel édifice juridique adopté pour favoriser l'intégration des étrangers  ?

Durant ces trois dernières décennies, on a assisté à une véritable fuite en avant législative consistant à restreindre les conditions d'entrée des étrangers en France. Mais la superposition de lois affichant l'objectif de « maîtrise des flux migratoires » a aussi eu pour effet de rendre plus précaire le séjour des étrangers en sapant progressivement l'édifice adopté en 1984. Ce processus de déstabilisation est beaucoup plus discret que certaines mesures médiatisées et il est surtout difficile à mesurer sur plusieurs années. Par définition, il n'affecte pas les étrangers déjà titulaires de la carte de dix ans  : le renouvellement de plein droit de ce titre n'est pas remis en cause, sauf rares exceptions en pratique. Les restrictions touchent les étrangers arrivés plus récemment, qu'ils soient sans titre de séjour ou titulaires d'une carte provisoire. Mesurer l'évolution du nombre annuel de délivrances de cartes de résident permet de rendre visibles les effets de la politique des guichets et des lois successives visant à déstabiliser l'immigration. On prendra ensuite la mesure de la précarisation du séjour à travers la part des étrangers titulaires d'une carte de résident. Cette seconde manière de lire les chiffres met en évidence des inflexions moins spectaculaires mais donne à voir des évolutions structurelles importantes démontrant, sur une vingtaine d'années, la précarisation quasi continue des étrangers installés légalement en France.
(...)

>>> La suite de l'article




Extrait du
Plein droit n°102
  « Mineurs isolés, l'enfance déniée
»
(Octobre 2014, 9€)



Vous pouvez commander cette publication auprès du Gisti
(règlement par chèque, carte bancaire ou virement)



Plein droit, la revue du Gisti
www.gisti.org/pleindroit

 
[ Articles à l'unité / Abonnements / Librairies ]




0 Comments: