lundi 18 novembre 2019

[Gisti-info] « Quand l’accueil se heurte aux logiques de police », un article du Plein Droit 122

Article extrait du Plein droit n° 122

Quand l'accueil se heurte aux logiques de police

Interview de Jean-Marie Boutiflat, ancien responsable de Cada, par Pascaline Chappart, Urmis-IRD


Membre du conseil d'administration national de la Fédération des acteurs de la solidarité pendant de nombreuses années, permanent à l'Asti d'Orléans, Jean-Marie Boutiflat a été le gestionnaire du Centre d'accueil des demandeurs d'asile (Cada) de l'association Toits du Monde à Orléans. Ouvert en 2001, ce Cada a été contraint de fermer ses portes en 2013 du fait des sanctions et des injonctions contradictoires préfectorales. Ce « praticien du pouvoir d'agir », comme il se présente, retrace ces douze années de résistance contre l'intrusion des logiques de police dans l'action sociale.


Avant d'en venir précisément au combat mené par l'association Toits du Monde, tu souhaitais évoquer l'évolution politique du principe de l'inconditionnalité de l'accueil…

Si on en est là aujourd'hui, c'est qu'on a laissé le ministère de l'intérieur prendre le pouvoir sur la question de l'hébergement des demandeurs d'asile. Et cela date de 2007, avec la création du fameux ministère de l'immigration, de l'intégration, de l'identité nationale et du développement solidaire qui a entériné un glissement déjà perceptible dans certaines préfectures. Cette mainmise de l'intérieur était fortement préjudiciable puisqu'elle conférait aux préfets un pouvoir d'appréciation et un pouvoir de police sur les Cada. Dès lors, le risque que s'instaure une confusion très nette entre les questions relatives à la gestion des flux migratoires et la question des personnes menacées de persécution était prévisible. Les préfets qui se sont succédé en région Centre en ont fait rapidement l'illustration au mépris des fondements et des principes qui régissent le travail social.

Un an auparavant, en 2006, la loi du 24 juillet relative à l'immigration et l'intégration avait écarté les Cada du prisme de l'action sociale en ne les considérant plus comme des centres d'hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) et en leur conférant un statut à part.

Quand François Hollande a pris la présidence de la République, nous l'avons alerté sur les dangers de cette situation et la nécessité de rendre la gestion des Cada aux ministères des affaires sociales et des affaires étrangères. Il ne l'a pas fait et, d'année en année, les pressions administratives se sont banalisées au point où aujourd'hui, je comprends très bien la résistance des associations qui dénoncent le scandale de la collusion entre les fichiers de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (Ofii) et ceux des services intégrés d'accueil et d'orientation (SIAO). C'est une attaque en règle des principes du travail social et notamment du respect de l'anonymat et de la confidentialité. On sait bien que ce qui est sous-jacent, c'est la question de la maîtrise des flux migratoires et l'organisation des reconduites à la frontière des personnes qui sont actuellement dans les dispositifs d'hébergement d'urgence. Depuis cette mainmise du ministère de l'intérieur en 2007, on assiste à une véritable dérive, c'est gravissime, cela m'inquiète beaucoup. Au regard des normes européennes, et de ce qui se passe ailleurs, la France ne fait pas son boulot en termes d'accueil. Quand va-t-on véritablement s'y mettre ?


Le combat mené par le Cada de l'association Toits du Monde dont tu étais le gestionnaire est révélateur de l'emprise du politique sur les dispositifs d'hébergement et le travail social…

C'est vrai, et nous avons résisté jusqu'au bout. Au départ, quand on a été financés, en 2001, il n'y avait pas de conventionnement avec la préfecture. Le préfet de l'époque avait trouvé intéressant qu'il y ait une proposition émergeant d'une association issue du tissu social local, parce que c'est ça, l'asso- ciation Toits du Monde, une association qui regroupait notamment l'Asti d'Orléans, la Cimade, la Ligue des droits de l'Homme.

On a ouvert le Cada en 2002. Le préfet avait trouvé un terrain d'entente avec le directeur départemental de l'action sanitaire et sociale pour nous permettre d'initier le Cada. Jusqu'au jour où il y a eu, à travers un certain nombre de circulaires, cette obligation de convention qui obligeait à mettre les demandeurs d'asile à la rue une fois qu'ils étaient déboutés, en contradiction avec le code de l'action sociale et des familles qui stipule le caractère inconditionnel de l'accueil et sa continuité. (...)

>>> La suite de l'article


Extrait du Plein droit n° 122
« Étrangers sans toit ni lieu »

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